Pour la première fois sous la Ve République, un ancien président de la République est condamné à une peine d’emprisonnement ferme avec incarcération à venir. Le tribunal correctionnel de Paris a jugé Nicolas Sarkozy coupable d’association de malfaiteurs dans le cadre de l’enquête sur un présumé financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.
Le jeudi 26 septembre 2025, la justice française a franchi un cap inédit dans l’histoire politique du pays : Nicolas Sarkozy, président de la République entre 2007 et 2012, a été condamné à cinq ans d’emprisonnement, dont un an ferme, pour association de malfaiteurs. L’ancien chef de l’État est désormais convoqué le 13 octobre par le Parquet national financier (PNF) pour fixer les modalités de sa future incarcération.
Ce jugement marque l’épilogue d’un long feuilleton politico-judiciaire autour de soupçons de financement occulte en provenance de Libye pour la campagne présidentielle de 2007. Si les juges n’ont pas pu établir que les fonds ont été effectivement utilisés pour financer ladite campagne, ils estiment en revanche que des démarches illégales en vue de les obtenir ont bien eu lieu, avec l’aval ou la connaissance de Nicolas Sarkozy.
Contexte : un financement politique sous influence
Selon les attendus du jugement, Nicolas Sarkozy aurait, dès 2005, envisagé de recourir à un financement alternatif, faute de garanties sur le soutien financier de son parti, l’UMP, en vue de 2007. Cette incertitude aurait motivé ses proches, Claude Guéant et Brice Hortefeux, à entamer des démarches discrètes auprès du régime libyen de Mouammar Kadhafi.
Les juges retiennent notamment deux rencontres clefs avec Abdallah Senoussi, ancien chef des services de renseignement libyens, en 2005, alors même que celui-ci faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour son implication dans l’attentat contre le vol DC-10 d’UTA en 1989. Le tribunal estime que ces échanges ont visé à négocier un soutien financier en échange de promesses de contreparties diplomatiques ou judiciaires, notamment la levée du mandat d’arrêt contre Senoussi.
Dossiers et flux financiers suspects
Bien qu’aucune preuve irréfutable ne permette de démontrer que les fonds libyens auraient effectivement alimenté la campagne de Sarkozy, les carnets de l’ex-ministre libyen du Pétrole, Choukri Ghanem, évoquent l’envoi de fonds destinés au candidat français. Certains mouvements financiers, identifiés comme incompatibles avec les sources de financement légales, ont bien eu lieu dans une temporalité concordante avec la campagne.
Les magistrats soulignent également qu’un reliquat de 35.000 euros non justifié a été identifié en fin de campagne, sans pouvoir affirmer formellement sa provenance libyenne.
Une association de malfaiteurs, mais pas de corruption passive
La condamnation repose sur la constitution d’un pacte corruptif, même sans exécution intégrale, ce qui suffit à caractériser l’infraction d’association de malfaiteurs. Le tribunal rappelle que ce type de délit peut être constitué par des actes préparatoires en vue d’une infraction, même si celle-ci n’a pas été consommée.
En revanche, Nicolas Sarkozy a été relaxé pour les autres chefs d’accusation :
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Corruption passive : il n’était pas encore dépositaire de l’autorité publique au moment des faits.
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Recel de détournement de fonds publics étrangers : la jurisprudence actuelle ne permet pas de condamner pour ce motif.
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Financement illicite de campagne : les preuves sont jugées insuffisantes pour établir un lien direct entre les flux libyens et la trésorerie de campagne.
Une peine rare et symbolique
Le tribunal justifie la sévérité de la peine par la « gravité exceptionnelle » des faits : « Ils altèrent la confiance des citoyens dans ceux qui les gouvernent, mais aussi dans les institutions de la République. »
S’il est reconnu que Sarkozy n’a pas tiré un enrichissement personnel direct de ces actes, la finalité était claire : accéder à la fonction suprême par des moyens contraires à l’éthique démocratique.