À quelques mois des élections générales de 2026, la scène politique béninoise est en pleine ébullition. Des partis de la mouvance présidentielle, notamment l’Union Progressiste le Renouveau (UPR), le Bloc Républicain (BR) et la FCBE, ont conclu un accord de gouvernance inédit. Dans le même temps, une main est tendue vers le principal parti d’opposition, Les Démocrates, pour un possible rapprochement. Ces manœuvres politiques, rendues possibles par les dispositions du Code électoral adopté le 5 mars 2024, suscitent des interrogations sur leur portée réelle, leur légalité, et les implications qu’elles pourraient avoir sur l’équité du processus électoral.
Un code électoral restrictif… mais stratégique
Le nouveau Code électoral, tout en conservant l’interdiction formelle des alliances électorales, introduit la possibilité pour les partis de conclure des accords de gouvernance. Il ne s’agit pas de coalitions pour se présenter ensemble, mais d’ententes post-électorales, une fois les suffrages exprimés, permettant aux partis de mutualiser leurs forces pour former des groupes parlementaires ou accéder aux fonctions stratégiques (parrainages, postes, majorité législative). Cette subtile ouverture juridique semble avoir été taillée sur mesure pour permettre aux partis proches du pouvoir de contourner les limites imposées par la réforme du système partisan de 2018, sans enfreindre la charte des partis.
La FCBE, partenaire stratégique ou joker de légitimation ?
La FCBE, créditée de seulement 4 % aux dernières législatives de 2023, réintègre ainsi l’échiquier institutionnel par la signature de l’accord du 16 septembre 2025. Ce retour soulève des questions : quelle est la pertinence d’un tel partenariat politique, alors que la FCBE, historiquement liée à l’ancien président Boni Yayi, peine à mobiliser l’électorat ? Pour de nombreux observateurs de la vie politique nationale, la FCBE sert probablement plus à équilibrer l’image d’un front pluraliste qu’à véritablement élargir l’assise populaire.
En échange a rappelé un député de l’Union progressiste lors de la signature de l’accord, la FCBE pourrait bénéficier de facilités décisives : parrainages, couverture politique, et peut-être une meilleure chance de dépasser les seuils électoraux (10 % au niveau national ou 20 % par circonscription en 2026), grâce à l’addition des suffrages prévue par le Code en cas d’accord de gouvernance alors que le parti n’avait eu que 4 % lors des dernières élections.
Le cas des Démocrates : vers une cohabitation improbable ?
L’intervention du député Malick Gomina sur un plateau télé, affirmant que la mouvance serait prête à conclure un accord de gouvernance avec Les Démocrates, interroge davantage. Peut-on croire à une réelle volonté d’ouverture ou s’agit-il d’une manœuvre de déstabilisation ? Les Démocrates, seule véritable force d’opposition institutionnelle, ont jusqu’ici refusé toute compromission avec la majorité présidentielle pour l’instant. Il apparait donc clairement selon les militants du parti, qu’une alliance avec la mouvance pourrait brouiller leur image auprès de leurs électeurs. Un député membre de la commission des lois à l’Assemblée Nationale a souligné en outre, que sur le plan juridique, rien n’interdit un accord post-électoral entre partis même idéologiquement opposés. Mais dans les faits, ce type de stratégie pourrait alimenter la confusion dans l’esprit des électeurs et décrédibiliser les lignes de fracture politique, dans un paysage déjà appauvri par la réduction drastique du pluralisme.
Risques et limites de ces stratégies
En somme, les accords de gouvernance, bien qu’autorisés par le Code, comportent plusieurs risques. Ils sont symptomatiques d’un dévoiement de l’esprit de la réforme du système partisan, qui visait à réduire le nombre de partis en favorisant des blocs clairs et cohérents. A l’heure actuelle on notre une opacité dans les intentions politiques, les accords étant souvent conclus dans des cercles fermés, loin du contrôle citoyen. A terme ces accords pourraient induire une distorsion du vote populaire, s’ils permettent artificiellement à des partis minoritaires de bénéficier d’un levier institutionnel disproportionné.
À la veille des élections générales de 2026, les accords de gouvernance apparaissent comme un outil stratégique de premier plan dans le jeu électoral béninois. Permettant à certains partis de contourner les restrictions du système partisan, ils ouvrent aussi la voie à des combinaisons politiques improbables, voire contre-nature. Si la loi les autorise, leur usage intensif pourrait mettre à mal la clarté démocratique, et rendre plus floue encore la ligne de partage entre majorité et opposition.